Chers amis,
Nous vous avons sans doute déjà parlé de notre projet de partir en roulotte. Depuis septembre, à bas bruit, nous nous préparons pour une tournée de quelques mois, au départ des Côtes d’Armor (Guingamp/Pontrieux) en direction des pays de la Loire, via le canal de Brest à Nantes. Et déjà nous partirons, le 13 avril si Dieu veut, dans le vent de Pâques.
Déjà ? Mais qu’avons-nous donc fait cet hiver ?
Tout d’abord, nous avons commencé par nous mettre en quête d’une jument… Découvrant un petit bout de cette France parallèle, celle du « monde du cheval », toute pleine de paradoxes et de troubles coulisses[1].
Nous avons trouvé Symphonie, une belle jument de 17 ans, docile et énergique. L’été dernier, elle a tiré une statue de la Vierge dans toute la Bretagne lors d’un pèlerinage appelé la « grande troménie de Marie ». Elle est arrivée chez nous début décembre, et nous pouvons nous entraîner à l’atteler trois fois par semaine depuis, avec une petite calèche à deux roues.
Il a fallu aussi préciser le projet artistique avec nos amis désirant faire partie du voyage. La décision de deux d’entre eux de s’en retirer nous a conduit à construire quelque chose de plus musical en compagnie de Benoît, accordéoniste diatonique, animateur de bals folks à ses heures, et charpentier-itinérant de métier.
Au programme : récital de chansons à trois voix (avec accordéon, mélodica, guitare), animation de bals folks, une causerie sur le travail[2], et un spectacle sur la vie du saint breton Grignon de Montfort. Nous serons la compagnie Symphonie et Troubadours... Trio de talents variés qui a pu s'éprouver durant l'hiver en créant des spectacles de Noël devant la crèche de la cathédrale de Tréguier – puis en animant un bal.
Benoît ira accompagné d’un petit âne nommé Obélix, qui l’aidera à porter ses affaires et sa tente. Nous irons en menant Symphonie, qui conduira notre nouvelle minuscule maison sur roues : la roulotte (dont vous pouvez voir des photos dans la galerie au bas de la page). Nous l’avons retapée et isolée cet hiver, avec l’aide et les conseils de Benoît.
Nous avons reçu ces derniers mois beaucoup d'aides, provenant de bien diverses personnes, sans lesquelles nous ne serions pas du tout prêts à partir prochainement (en espérant que nous le sommes !). Qu'il nous soit permis ici de remercier Elias, Jérôme, Corinne, Lucienne, Lila, Léo, Bernard et aussi Mikaël pour ses précieux conseils... et tous ceux que j'oublie, qui nous ont prêté main forte gracieusement – non point dans les eaux glacées du calcul égoïste, celles-là qui exigent le paiement comptant ou avec intérêt, mais dans les rivières chaleureuses du don – parfois prolongé du contre-don – par laquelle une communauté se renforce de façon organique, solidaire. Nous voici encore, et nous y sommes à présent habitués, pleins de dettes et de gratitude avant même que ne débute notre aventure.
Notes. [1] Ce monde où la partie sportive est tenue par le Qatar, y menant comme ailleurs ses opérations de « doux-pouvoir » à coup de pétrodollars ; et, pour ce qui nous concerne encore davantage : le cheval d’attelage réunit aujourd’hui des jeunes gens désireux, comme nous, de mobilités douces, de sobriété, et de relocalisation : c’est pourtant la filière bouchère, exportée massivement vers le Japon, qui permet aux actuels éleveurs français de vivre (y compris celui qui éleva la nôtre) ; la part des animaux qui sortent de chez eux pour vivre leur vocation habituelle – la traction – étant toute minime. [2] Nous nous sommes plongés dans des petits livres très synthétiques de Guillaume Travers, dans d’autres livres épais et riches de Steven Kaplan ; nous y avons rencontré l’économie féodale, les corporations médiévales, l’émergence du capitalisme libéral au XVIII° avec les idées des physiocrates, des Lumières individualistes… le tournant de l’abrogation de la police des grains au même siècle. Ces informations ouvraient à nos regards écarquillés des perspectives nouvelles, touchant à l’organisation du travail et de l’économie, et nous ont passionnés. Notre cœur a battu. Touchant ces pierres anciennes nous avions un appui pour, serait-ce que par la pensée, prendre du recul avec ce libéralisme dont nous nous trouvons si empreints qu’il semble l’air que nous respirons ! Nous aurions voulu en faire un spectacle théâtral et didactique, mais nous avons craint finalement que ni l’art, ni l’information, ne se trouvassent heureusement servis par un tel compromis. Nous nous contenterons d'une causerie, un "topo", conférencette libre n'interdisant ni quelques vers ni quelques accords.
Bonjour, quelle joie de vous voir, de vous lire, quelle leçon de courage, de bonheur, de simplicité, de foi.
Nous pensons à vous.
Bises
Jade, Fabrice
Trop super ! Gloire à Dieu ! Alleluia 😀
Joie de savoir que l'heure est venue, de tout coeur avec vous, bien en communion
Esther